Community Summary Report: Montréal (Coalition Climat Montréal) – French

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Nom du partenaire communautaire : Coalition climat Montréal
Date du dialogue : 2 février 2022
Rapport rédigé par Barbara Duroselle et Jean-François Boisvert

1. Introduction

A. Résumé   

L’inquiétude face aux conséquences des changements climatiques était partagée par la grande majorité des participants. Tous s’entendent sur la nécessité d’agir sans tarder pour éviter que notre communauté soit encore plus gravement touchée. S’il n’y a pas unanimité sur les actions à prendre, la plupart des participants reconnaissent qu’il faut entreprendre des changements en profondeur de notre société, en commençant par notre modèle économique actuel, basé sur l’exploitation de ressources et la quête incessante de la croissance. Tous sont d’accord sur le fait que les personnes les plus vulnérables, et particulièrement celles ayant un faible revenu, sont et seront les plus durement touchées par les impacts des changements climatiques. Un meilleur partage de la richesse est apparu essentiel pour réduire cette inégalité. L’instauration d’un revenu de base garanti a été retenue comme une des solutions envisageables, mais pas la seule ; certains se sont cependant interrogés sur sa faisabilité. Finalement, il y a unanimité sur l’importance de bâtir la résilience de la communauté.

B. À propos du projet de résilience verte

Ce dialogue communautaire fait partie du projet de résilience verte, une série de dialogues à l’échelle du Canada explorant et documentant les liens entre la résilience communautaire, la sécurité du revenu et la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. En collaboration avec un organisme partenaire désigné pour chaque communauté, le projet de résilience verte vise à créer des espaces dans lesquels un large éventail de participants peuvent discuter des liens entre les changements climatiques et la sécurité du revenu, et identifier les prochaines étapes possibles pour construire ou maintenir la résilience des communautés face à ces défis.

Ce rapport de synthèse communautaire reflète ce que nous avons entendu et appris au cours du dialogue dans notre communauté. Chaque organisme partenaire du projet au Canada produira un rapport semblable. En mars 2022, le projet de résilience verte produira un rapport final résumant les résultats des dialogues, qui sera mis à la disposition du public et transmis à Environnement et Changement climatique Canada. 

Le financement du Projet de résilience verte est généreusement fourni par le Fonds d’action et de sensibilisation pour le climat d’Environnement et Changement climatique Canada. Le projet est géré et mis en œuvre par Energy Mix Productions, le Réseau canadien pour le revenu garanti, Coalition Canada revenu de base, le Réseau canadien des jeunes pour le revenu garanti, ainsi que par des experts nationaux et des partenaires locaux.

C. À propos de l’organisme partenaire communautaire

La Coalition climat Montréal est une OBNL active depuis 7 ans. Elle a pour mission d’informer et mettre en réseau les citoyens, les décideurs politiques et tous les acteurs de la transition énergétique quant aux pratiques et politiques qui garantiront l’atteinte de la carboneutralité. Elle vise, entre autres choses, à motiver les acteurs de la transition à entreprendre des actions audacieuses et innovantes afin de créer une société qui vit en harmonie avec l’environnement. Elle cherche également à influencer les citoyens et les divers acteurs de la transition énergétique à collaborer pour définir une feuille de route commune et décider démocratiquement des priorités d’action et des stratégies de réalisation. La participation citoyenne constitue l’un de ses quatre piliers d’actions.

La Coalition climat Montréal entretient des liens avec des individus et des organisations d’horizons variés : groupes citoyens, ONG environnementales, entreprises d’innovation sociale, chercheurs universitaires, étudiants, associations communautaires, organismes sociaux, religieux, personnes âgées… Elle a aussi des contacts avec les élus municipaux et participe activement à différentes instances, comme les consultations publiques et les séances publiques du conseil municipal. Elle organise des événements comme des conférences, des tables rondes et des ateliers, dans le but d’informer, de mobiliser et de mettre en relation les citoyens et les organismes, et ainsi les inciter à entreprendre ou à poursuivre l’action climatique.

La Coalition climat Montréal a organisé un dialogue à Montréal après avoir  été approchée par le Projet de résilience verte.

D. Pourquoi cette communauté a été choisie pour mener un dialogue

Plusieurs problèmes en lien avec les changements climatiques commencent à affecter notre  communauté (insécurité alimentaire, canicules, inondations, smog, pandémie…). On constate aussi que ces problèmes n’ont pas la même intensité ni la même occurrence partout. Par exemple, les îlots de chaleur sont beaucoup plus présents dans les quartiers moins favorisés ; les habitations y sont souvent moins bien isolées, le couvert végétal plus réduit et, ayant des revenus plus faibles, les habitants ont moins de moyens (par exemple en achetant des climatiseurs ou en s’éloignant de la ville) de faire face aux aléas, y compris les canicules. Malheureusement, comme pour la plupart des catastrophes, les changements climatiques touchent plus durement les personnes les plus vulnérables : les gens à faible revenu, les individus marginalisés, les personnes âgées et certaines minorités.

La situation est également difficile au niveau du logement. En raison principalement de la spéculation immobilière, le prix des loyers a considérablement augmenté au cours des dernières années, ce qui limite grandement l’accès au logement pour les gens à faible revenu. Ceux-ci doivent trop souvent se contenter de logements en mauvais état, situés dans des quartiers éloignés, moins bien aménagés avec un accès plus limité à certaines ressources essentielles comme le transport, les épiceries ou les espaces verts. 

Comme dans toutes grandes villes, on observe à Montréal des inégalités de revenus importantes. Celles-ci ont des impacts sur les conditions de vie des citoyens et même sur la durée de celle-ci. Ainsi, l’espérance de vie peut être jusqu’à dix ans inférieure dans les quartiers défavorisés par rapport aux quartiers plus nantis. On a aussi pu observer au cours de la pandémie de COVID-19 que “les Montréalais qui résident dans les secteurs très défavorisés de la ville ont été deux fois plus touchés par la COVID-19 que ceux qui vivent dans les quartiers très favorisés. La mortalité y est également deux fois plus élevée” (La Presse, 22 octobre 2021).

Cependant,  Montréal n’est pas sans ressource. De nombreux acteurs s’organisent pour répondre aux besoins existants et émergents. Des solutions sont mises en place, par exemple, l’accès à l’aide alimentaire, la végétalisation des quartiers, l’agriculture urbaine, la mise en commun de biens ou de services…  Parmi les forces de la communauté, mentionnons la présence de nombreux groupes environnementaux, communautaires ou sociaux. Les initiatives citoyennes sont nombreuses. Aussi, l’administration municipale est relativement soucieuse de ces enjeux. Entre autres, elle compte un Bureau de la transition écologique et de la résilience (BTER). 

Nous croyons toutefois important de souligner que, compte tenu que la crise climatique va s’aggraver au cours des prochaines décennies, les niveaux de sensibilisation, de mobilisation et d’action sont nettement insuffisants en regard des menaces qui pèsent sur notre communauté. À titre d’exemple,les projections d’Ouranos prévoient que dans les quartiers centraux de Montréal, à l’horizon 2070, le nombre de jours par an où la température dépasse 30 degrés Celsius passera de 12 à 43 et celui où elle dépasse 32 degrés Celsius passera de 3,8 à 22,9. De tels changements auront des impacts importants sur la population et, pour l’instant, nous ne sommes collectivement pas suffisamment préparés pour y faire face. 

E. À propos des participants au dialogue

La Coalition climat Montréal possède un réseau d’environ 1 100 membres et sympathisants. Ceux-ci sont généralement des personnes relativement mieux informées sur les enjeux environnementaux que la moyenne des gens. On y compte un bon nombre de citoyens militants engagés dans les mouvements environnementaux et/ou sociaux. Pour la tenue du dialogue, nous visions une plus grande diversité et avons cherché à sortir autant que possible de ce cercle, en invitant des gens que nous ne contactons pas habituellement.

Pour ce faire, nous avons contacté 34 organismes, dont plusieurs œuvrent principalement au niveau social ou communautaire, par exemple un organisme qui offre des services aux immigrants et aux réfugiés à Montréal-nord, d’autres travaillant auprès des femmes, des jeunes ou des familles en situation de vulnérabilité, de la population itinérante du centre-ville, ou bien des aînés. La liste des organismes contactés est disponible à l’annexe 1 ; ceux-ci ont été invités à faire circuler l’invitation à participer au dialogue dans leurs réseaux. 

Nous sommes conscients qu’il est très difficile, voire impossible d’obtenir des profils de participants spécifiques en lançant des invitations générales et en ne procédant pas à une pré-sélection. Toutefois, sans qu’elle soit parfaite, nous avons pu obtenir une bonne diversité de participants.

Concrètement, voici ce qu’on peut retenir du profil des participants :

  • La répartition des âges était assez variée, mais avec une plus forte représentation de jeunes
TRANCHE D’ÂGENOMBRE
Moins de 20 ans10
20-40 ans4
41-60 ans5
Plus de 60 ans6
  • Quatre participants ont dit s’identifier comme une minorité visible alors que trois ont préféré ne pas répondre à cette question.
  • Aucune personne ne s’est identifiée comme autochtone et une a préféré ne pas répondre à cette question.
  • Trois personnes se sont identifiées comme immigrant récent au Canada.
  • On observe une variété de langues parlées à la maison mais tous les participants maîtrisaient suffisamment le français pour que les échanges se tiennent dans cette langue.
  • La répartition des genres était assez équilibrée  : 
GENRENOMBRE
Femme14
Homme10
Préfère ne pas répondre1
  • La répartition des âges était assez variée, mais avec une plus forte représentation de jeunes 
  • Une personne s’est identifiée comme membre de la communauté 2SLGBTQ+  alors que deux ont préféré ne pas répondre à cette question.
  • Aucun participant ne s’est identifié comme personne handicapée (un a préféré ne pas répondre).
  • La répartition des revenus semble s’approcher de celle de la population de la communauté:
REVENUNOMBRE
Faible6
Moyen13
Élevé3
Préfère ne pas répondre3
  • Quatre personnes ont dit adhérer à un syndicat, alors que six ont préféré ne pas répondre à cette question.
  • L’engagement communautaire des participants est relativement élevé :
NIVEAUNOMBRE
12
22
38
48
55
  • Deux personnes disent avoir vécu l’expérience de l’itinérance et une celle de la pauvreté.
  • Huit personnes ont dit ne pas connaître très bien les liens possibles entre les changements climatiques, la sécurité du revenu et la résilience des communautés.
  • Six personnes ont noté que leurs moyens de subsistance n’ont pas encore été directement touchés par la COVID-19, les changements climatiques ou la juste transition vers l’élimination des combustibles fossiles.
  • Une personne a dit que son gagne-pain a été ou risque d’être gravement affecté par les changements climatiques.
  • Finalement, cinq personnes ont dit travailler ou militer dans le domaine des changements climatiques.

F. Le dialogue communautaire

En raison des restrictions imposées par la situation sanitaire, le dialogue a été tenu en mode virtuel, le 2 février 2022 de 19h à 21h30.  Il a été structuré comme suit : 

  1. Séance d’introduction : 40 minutes
  2. Dialogues en petits groupes : 80 minutes
  3. Pause : 10 minutes 
  4. Compte-rendu à la salle par les animateurs de chaque groupe : 5 minutes
  5. Conclusion : 15 minutes

L’introduction visait à présenter le Projet de résilience verte, le déroulement de l’événement, ainsi que de mettre les participants en situation en présentant quelques concepts clés.

Les participants ont ensuite été répartis en 5 sous-groupes. Les discussions menées par les animateurs portaient sur les quatre questions fournies par le Projet de résilience verte.

Nous avions une animatrice principale, cinq animateurs de sous-groupe et quatre preneurs de notes (dans un sous-groupe, la même personne a animé et pris les notes).

En plus de cette équipe, 26 personnes ont pris part aux discussions.À notre avis, l’événement a été réussi. Habilement menée, la présentation a été fort intéressante, tout comme les discussions. Des points de vue variés y ont été exprimés par les participants, reflétant la variété des participants. En effet, nous avons pu réunir des jeunes, des personnes âgées, des travailleurs, des retraités, des étudiants, des personnes de différents groupes socio-économiques. Bien sûr, considérant la taille du groupe en regard de la population de la communauté montréalaise, on ne peut prétendre à une représentativité statistique significative. Par contre, nous avons réussi à déborder du cercle de citoyens militants écologistes qui participent souvent à ce genre d’événements.

La déception a été au niveau du nombre de participants. Il y avait 51 inscriptions, mais seulement 26 personnes se sont présentées. À 51%, ce taux de participation vs inscription est inférieur à celui que l’on observe habituellement et qui est autour de 75%. Il est difficile d’en trouver les raisons, mais il se peut qu’après presque 2 ans de mesures de confinement et d’événements virtuels, la “fatigue Zoom” commence à se faire sentir…  Nous pensons que la tenue d’un tel événement en présence générerait une participation accrue. Vivement le retour des véritables rencontres en personnes ! 

2. Ce que nous avons entendu

Une large majorité des répondants témoignent de plusieurs modifications de l’environnement et de l’économie au sein de leur collectivité.

Au niveau de l’économie, chacun des groupes de discussion a partagé que le prix des denrées alimentaires grimpe. Ils s’inquiètent qu’un nombre grandissant d’individus semblent avoir de la difficulté à bien se nourrir. Plusieurs partagent aussi leur préoccupation que les changements climatiques affectent l’agriculture et la qualité de la nourriture qu’ils consomment. Ils voient également un lien entre l’alimentation et le maintien d’une bonne santé et soulignent que la hausse des prix est un enjeu pour les personnes à faible revenu, dont les personnes âgées qui ont des revenus de retraite fixes. Les participants pensent également que les conséquences de la précarité financière vont au-delà de l’insécurité alimentaire, affectant potentiellement la sécurité et la stabilité de la communauté 

Montréalaise : « Mes revenus ne sont pas affectés pour le moment, je ne suis pas en précarité, mais c’est très stressant de penser aux gens autour de nous, à l’instabilité sociale, à l’insécurité alimentaire qui se répand autour de nous. C’est très stressant ».

Les modifications de l’environnement ont suscité de nombreuses réflexions au sein des groupes de discussion. Certains participants rapportent avoir eu une expérience directe des aléas climatiques : « Ça fait 2 fois que ma maison est inondée…Certaines personnes n’ont pas pu reconstruire car la maison était trop endommagée. Les assurances ne paient pas ». Tous les groupes ont observé que des événements météorologiques associés aux changements climatiques (inondations, feux de forêt, sécheresse) semblent être plus fréquents et plus proches de chez eux. Ils sont conscients que ceux-ci sont susceptibles d’affecter leur sécurité financière (augmentation des coûts de l’énergie, reconstruction, enjeu d’accès à un logement à la suite d’un choc), mais aussi leur sécurité physique (suicide, décès).

Les effets sociétaux de l’augmentation de la température et des inondations ont été abordés sous plusieurs angles. D’abord, en termes des effets sur la dynamique familiale, puisqu’ils sont associés à des sources de stress et de conflits. Les conséquences sur la santé physique ont aussi été largement discutées, notamment en lien avec les populations potentiellement plus vulnérables ainsi que pour les aînés : « Je suis inquiet face à la chaleur, car je n’ai pas d’air climatisé. À cause de la COVID, je travaillais chez moi, c’était très chaud et difficilement tolérable. Moi j’ai 33 ans, comment font les gens âgés ?  Qui a les revenus suffisants pour avoir les bonnes conditions pour supporter la chaleur ? ». Et si les travailleurs et les jeunes ont été identifiés comme étant généralement moins vulnérables, quelques participants ont partagé que les jeunes sont aussi affectés car, en cas de vague de chaleur, ils voient moins leurs amis, ce qui affecte leur moral.  

Le sentiment général est que ces changements sont anxiogènes. Plusieurs rapportent craindre le lendemain et ont le sentiment de perdre le contrôle. Ces incertitudes, combinées aux effets potentiels de la pauvreté, suscitent des questionnements profonds quant aux moyens nécessaires pour arrêter cette « hémorragie ». Certains observent d’ailleurs que, si les changements climatiques auront des conséquences sur le long terme, il est impossible à l’heure actuelle d’en connaître tous les effets. Prenant l’exemple de la pandémie, plusieurs sont d’avis que la crise sanitaire a accentué les inégalités sociales et révélé qu’une partie de la population est en mode de survie ; ils estiment naturel que cette partie de la communauté pense d’abord à se nourrir et garder leur emploi, plutôt qu’aux enjeux climatiques. Cependant, ceux ayant des petits-enfants semblent inquiets des conséquences pour la planète dans le futur.  

Bien qu’ils constatent l’apparition de changements climatiques, ils déplorent l’absence de discussion sur le sujet. Certains ont partagé que parler d’enjeux environnementaux semblait créer un malaise, voire une certaine paralysie, tant chez les jeunes que les adultes. À quelques reprises, les politiques urbaines ainsi que les personnalités politiques ont été critiquées, car elles semblaient vouloir « passer le sujet sous le tapis » ou avoir recours à des stratégies d’éco blanchiment. Plusieurs estiment que les changements climatiques sont un problème majeur et estiment que cette posture réactive plutôt que préventive va amener la communauté à « rentrer dans un mur ». S’il est important de discuter des enjeux climatiques, ils soulignent également la pertinence d’équilibrer la notion d’urgence avec d’autres types de messages pour créer un « budget d’espoir » et éviter ainsi le fatalisme. Et si certains sont d’avis que la pandémie a occulté le débat sur les enjeux climatiques, un participant souligne qu’à plusieurs égards, elle a néanmoins mis en lumière un grand niveau d’entraide entre voisins et entre différentes communautés.

Les liens entre les changements environnementaux et les changements économiques

Les discussions autour des liens entre les changements environnementaux et économiques ont généré plusieurs constats. D’abord, l’avis général était que l’économie et les changements climatiques sont reliés car l’économie, et particulièrement celle du Québec, est intimement liée aux ressources naturelles. Les participants étaient d’accord pour dire que les changements climatiques (ou les initiatives pour en réduire les effets) vont affecter toutes les activités économiques, et plus particulièrement les travailleurs de certaines industries (transports aériens, secteur pétrolier, etc.) Durant la conversation, les effets de la transition sur les emplois ont amené les participants à se poser plusieurs questions quant aux moyens de financement disponibles pour soutenir cette transition.

Quelques intervenants ont indiqué qu’ils ne pensaient pas que la sécurité du revenu ou le revenu minimum garanti puisse permettre de mieux s’adapter aux changements climatiques.  Toutefois, un nombre relativement important de répondants a indiqué qu’une forme de revenu minimum garanti permettrait à de nombreuses personnes d’éviter de tomber dans la détresse, surtout lorsqu’il s’agit d’avoir les moyens de mieux s’adapter aux changements climatiques. Certains y voyaient un changement de cap, voire une révolution dans la société, qui permettrait aux gens d’avoir plus d’opportunités de s’adapter aux changements climatiques. Selon eux, la sécurité du revenu apporterait un certain répit aux gens « en mode de survie » pour lesquels la priorité est de combler leurs besoins essentiels. Ces derniers auraient ainsi des conditions plus propices pour identifier comment contribuer davantage à la collectivité, y compris vis-à-vis des générations futures.

Une partie importante des discussions s’est orientée autour du fait que les changements climatiques allaient aggraver les inégalités, si rien n’était fait pour changer la situation. À cet égard, un revenu de base semblait souhaitable dans une perspective d’équité, d’inclusion et de justice sociale. Soulignant que l’aide sociale ne couvre actuellement que 50% des dépenses nécessaires pour survivre, un revenu de base garanti permettrait aux plus vulnérables de sortir d’une culture l’appauvrissement et de la pauvreté et donc « de faire face » aux changements. Néanmoins d’autres aspects ont aussi été mentionnés à travers des exemples précis concernant la disparité de revenus, la difficulté d’accès au logement en raison de la spéculation ou bien le fait d’habiter dans un quartier dépourvu d’espaces verts. Il ne s’agirait donc pas simplement de donner davantage à ceux qui ont moins, mais aussi de faire pression sur le gouvernement pour réduire l’écart avec ceux qui en ont trop, tant au sein de la communauté que vis-à-vis d’autres pays moins nantis.

Parmi les autres propositions partagées par le groupe, il a été suggéré qu’il était temps de remettre en question la logique d’accumulation, car les limites planétaires sont dépassées. Conscients que les résultats au niveau de la résilience de la société dépendront de la méthode adoptée pour arrêter les changements climatiques, plusieurs ont mentionné qu’un revenu de base favoriserait une sorte de décroissance conviviale, permettant aux gens de retrouver un meilleur équilibre et avoir plus de temps pour penser à de nouvelles solutions. Cet espace serait aussi propice pour faire des changements d’habitudes, car plusieurs s’accordaient sur le fait qu’il est difficile de parler de sobriété quand les gens sont anxieux.

Lors des discussions, la résilience de la communauté a été à plusieurs reprises mentionnée en lien avec l’éducation et le renforcement de l’économie locale. La perception que le modèle économique actuel ne fonctionne pas adéquatement a généré de multiples propositions pour s’attaquer aux enjeux environnementaux et économiques. Les participants ont ainsi mentionné qu’il conviendrait de considérer un modèle économique davantage basé sur le respect de la nature. Exprimant que l’économie actuelle est influencée par le pouvoir de grandes corporations multinationales, il a été suggéré de renforcer les initiatives d’autosuffisance et d’achat local. Il a aussi été proposé d’élaborer des plans qui lient les bénéfices économiques aux bénéfices écologiques. Pour réduire l’empreinte environnementale, la réduction de la consommation individuelle (décroissance, consommation sobre), la circularité, ainsi qu’une approche collective (communs, projets collectifs, approches coopératives) sont d’autres idées qui ont émergé.

Les solutions possibles pour aider la communauté à réagir aux changements climatiques et à créer une sécurité de revenu

Les groupes ont proposé une grande variété de solutions. Celles-ci incluent :

Des actions pour réduire les gaz à effet de serre (GES). Plusieurs participants ont noté qu’il était important de mesurer les GES au sein de la communauté et de faire des suivis.

D’autres ont expliqué qu’il est possible de changer certains usages pour limiter les émissions. Par exemple, il a été suggéré d’utiliser plus de bois dans le domaine de la construction, d’avoir recours à certains plastiques capables de capter des GES ou bien de recourir à la géothermie. L’usage du transport en commun plutôt que la voiture a été mentionné à plusieurs reprises comme étant une solution concrète pour réduire l’empreinte environnementale, à condition que le réseau puisse permettre de se rendre rapidement à destination. Enfin, une autre proposition concernait la réorientation de l’économie vers l’utilisation des énergies renouvelables, permettant ainsi de créer des emplois dans cette filière.

La sécurité du revenu. Si la possibilité d’un revenu de base a été mentionnée à plusieurs reprises comme une option pour régler des problèmes de fonds (« si on a faim, on n’arrive à rien »), un participant a tout de même indiqué que ce système pourrait avoir une incidence négative sur le marché de l’emploi, surtout en l’absence de volonté politique pour éradiquer la pauvreté. Il s’agirait donc de réfléchir à plus long terme pour ne pas simplement réagir à l’urgence. La sécurité du revenu a également été discutée en lien avec une démarche de réduction de la consommation, afin d’éviter de possibles effets rebond. Enfin, une autre idée proposée concernait la possibilité de taxer les entreprises qui choisissent de remplacer les salariés par des robots pour effectuer certaines tâches (écrire des billets de blog, faire de la recherche, etc.), dans une optique d’optimisation de coûts. Il s’agirait donc ici de compenser pour une externalité créée par la technologie.

Simplifier et repenser les modes de vie. Beaucoup d’échanges et de solutions ont émergé en lien avec ce thème. En plus de la réduction de la consommation, les participants ont suggéré de privilégier l’achat de produits usagés ou recyclés, de manger des produits plus locaux et de saison, d’éliminer les produits carnés, d’adopter un mode de vie zéro déchet, d’éviter le « fast fashion » et de déployer le service en vrac dans les grandes chaînes d’épiceries afin de permettre à plus d’individus d’adopter cette pratique,

Renforcer les écosystèmes naturels et urbains. L’importance de protéger un « patrimoine commun » est ressortie à travers plusieurs commentaires. La protection des forêts, des milieux humides, mais aussi le déclin du nombre de terres agricoles a été abordé. Il a ainsi été conseillé de prendre des mesures pour arrêter l’étalement urbain. En parallèle, quelques propositions concernaient le réaménagement des villes afin d’améliorer la circulation collective, d’encourager l’agriculture urbaine et de lutter contre les îlots de chaleur. Un autre aspect abordé est l’importance de sensibiliser les jeunes et de promouvoir l’agriculture à l’école.

Multiplier les actions collectives. Les participants ont partagé une très grande variété d’activités collectives. Les nombreuses initiatives mentionnées incluent Mères aux Fronts, la déclaration d’urgence climatique, les activités « la planète s’invite au parlement », les activités de sensibilisation de certains syndicats, les collectivités ZéN, les villages en transition. Ils estiment que ces activités favorisent l’émergence de réseaux de communautés, tout en favorisant l’engagement individuel et l’espoir.

La résilience grâce à l’entraide et l’éducation. Anticipant les conséquences des enjeux climatiques (pannes électriques, coupures d’eau), le besoin de connaître ses voisins, sa communauté et de s’entraider a également été exprimé : « il faudrait commencer en tant que communauté à penser collectivement. Ça peut être de petits gestes au début, qui pourraient amener de plus grands changements avec le temps ». Un(e) participant(e) a également partagé que l’éducation était peut-être un levier plus important pour accroître la résilience que le fait d’avoir un revenu minimum garanti. À ses yeux, informer les gens sur leur pouvoir d’agir et les moyens de s’impliquer collectivement était important car les gens ne semblent pas savoir comment agir face aux changements climatiques.

Changer le modèle d’éducation des jeunes. Plusieurs jeunes de niveau secondaire et CÉGEP ont clairement indiqué qu’ils souhaiteraient avoir plus d’informations concernant les sujets discutés dans la soirée au sein même de leur cursus. Ils notent que l’enseignement lié à l’environnement et les pratiques plus écologiques demeurent très superficiels. Un répondant a indiqué percevoir que l’enseignement au CÉGEP et à l’université s’articule autour d’un modèle économique traditionnel et capitaliste et qu’il souhaiterait être exposé à d’autres types de valeurs, comme le fait de considérer échanger du temps plutôt que de l’argent. En outre, ces jeunes constatent que si leurs professeurs mentionnent parfois de l’importance de traiter de certains enjeux comme la surconsommation, les solutions sont rarement abordées. Ils notent aussi qu’il existe une minorité de jeunes souhaitant s’impliquer dans la lutte contre les changements climatiques, les autres se sentant moins concernés car ils pensent ne plus être là lorsque les catastrophes surviendront.

Les suggestions pour parvenir à des solutions susceptibles de construire, maintenir ou renforcer la résilience communautaire, et les acteurs responsables de ces changements

Dans l’optique de parvenir à des solutions pour renforcer la résilience de la communauté et la lutte contre les changements climatiques, les participants ont tenu à souligner que tous les acteurs étaient importants.

Pour certains d’entre eux, la responsabilité était d’abord individuelle : « L’industrie et le gouvernement ont le plus de pouvoir. Si les individus et les communautés commencent à changer, eux aussi vont changer. » Dans plusieurs groupes, une priorité était d’augmenter les interactions sociales et d’agir collectivement, notamment parce que le Québec jouit d’une grande tradition de solidarité et de concertation. Les participants ont cité deux projets (Tables de quartier et le projet Impact) qu’ils trouvaient intéressants car ils amènent autour d’une même table des gens qui d’ordinaire se côtoient moins. S’inspirer des façons de collaborer et des savoirs autochtones a aussi été abordé dans l’optique de protéger l’environnement. Enfin, afin de renforcer la résilience, l’idée a été émise qu’un mouvement citoyen, soutenu par des groupes communautaires, pourrait faire pression sur les gouvernements, voire même manifester, afin de faire évoluer les lois concernant le système de production et d’entamer une réforme fiscale permettant l’accès à un revenu garanti.

Une partie des suggestions s’est également orientée vers le rôle des instances publiques et des politiciens qui doivent agir en tant que stimulateurs et non comme freins – l’idée étant de faire valoir que l’écologie ne s’oppose pas nécessairement à l’économie. Pour plusieurs participants, il serait important que les partis mettent de côté les luttes partisanes et que les politiciens de tous les partis se concertent davantage, notamment pour mieux encadrer les entreprises. Cet aspect de la conversation a engendré plusieurs échanges concernant les moyens de financer le revenu garanti, certains étant d’avis qu’il faudrait taxer les plus riches, changer la distribution des revenus, prendre des mesures pour éviter l’évasion fiscale, sortir de la logique des profits, changer le système capitaliste actuel qui incite à la surproduction et la surconsommation et/ou explorer des modèles alternatifs en économie comme les coopératives pour adopter un système économique qui ne détruit pas la planète.

Un souhait général était de trouver des moyens pour que les citoyens soient mieux informés et conscientisés. Plusieurs solutions ont été proposées, notamment l’implication d’artistes pour faire passer le message, la possibilité de changer certains aspects du modèle d’éducation pour les jeunes et la diffusion d’une émission télévisée aux heures de grande écoute qui traiterait d’environnement et de la transition écologique.

3. Ce que nous avons appris  

Il y avait consensus à l’effet que les changements climatiques nous affectent déjà et que cette situation crée de l’anxiété chez plusieurs participant.e.s. Ceux-ci constatent aussi que les changements climatiques ont et auront davantage de répercussions sur la santé physique et mentale des individus.

L’idée du revenu garanti a été relativement populaire et jugée pertinente pour régler les inégalités face aux impacts des changements climatiques. Cependant, afin que celle-ci ait l’effet escompté,  cette mesure devrait s’accompagner d’actions plus systémiques (par exemple, augmenter la contribution fiscale des plus riches). Ces changements paraissent nécessaires pour que le revenu garanti agisse comme levier pour endiguer les enjeux de la pauvreté et s’assurer qu’il ne devienne pas une mesure purement technique susceptible par ailleurs d’accentuer les inégalités sur d’autres fronts. Puisque les effets des changements climatiques se feront sentir sur le marché de l’emploi, il s’agit donc de ne pas agir à court terme mais plutôt de réfléchir aux effets à plus long terme de cette mesure, dans l’optique d’assurer une meilleure justice environnementale. Des questionnements demeurent quant à la faisabilité d’une telle mesure, principalement en lien avec son financement. Enfin, l’opinion générale était que d’autres changements structuraux doivent accompagner cette mesure, comme le fait d’arrêter la surconsommation, redistribuer la richesse et respecter les limites planétaires.  

Finalement, le consensus était qu’il est important d’accroître notre résilience collective. Il semble urgent et nécessaire d’agir sans tarder afin d’entreprendre des transformations majeures, qui vont bien au-delà d’un “verdissement” de surface. Pour atteindre les objectifs souhaités, l’éducation, la sensibilisation et l’action collective soutenue par les gouvernements sont les principaux moyens qui ont été identifiés.

  • Dans quelle mesure pensez-vous que votre dialogue a permis de mieux comprendre les liens et les synergies entre la résilience des communautés, les moyens de subsistance, la sécurité des revenus et la transition vers une économie à faibles émissions de carbone? Veuillez expliquer votre réponse.

○ 1 – Pas du tout

○ 2

○ 3

4

○ 5 – Tout à fait

Dans tous les groupes, les participants ont spontanément cité des exemples de liens qu’ils faisaient entre la résilience, les changements climatiques et les actions à entreprendre. Lorsque certains exemples s’inspiraient de ceux proposés dans l’introduction, ils étaient cependant modifiés pour y ajouter une perspective personnelle.  

  • Dans quelle mesure les participants ont-ils fait preuve d’une sensibilisation accrue aux changements climatiques et à leur propre capacité d’action climatique? Veuillez expliquer votre réponse.

○ 1 – Pas du tout

○ 2

○ 3 

○ 4

○ 5 – Tout à fait

Nous estimons que les participants étaient déjà en partie sensibilisés aux enjeux climatiques puisqu’ils ont démontré un intérêt à participer à l’événement. Nous pensons que l’atelier, les exemples fournis dans l’introduction ainsi que les échanges ont permis d’accroître la compréhension des enjeux et la capacité d’action. 

Si nous sommes confiants que les participants déjà engagés auront trouvé des informations supplémentaires susceptibles de renforcer leur capacité d’action, nous pensons que le dialogue aura aussi profité aux jeunes participants, lesquels ont semblé mieux outillés pour comprendre les changements, ce qui est une condition préalable et nécessaire à l’action.  

  • Dans quelle mesure de nouvelles relations entre les partenaires communautaires et les participants au dialogue ont-elles été créées et encouragées? Veuillez expliquer votre réponse.

○ 1 – Pas du tout

2

○ 3

○ 4

○ 5 – Tout à fait

Les animateurs ont fait un beau travail pour créer un climat d’échange convivial, inclusif et respectueux, propice à encourager l’émergence de nouvelles relations. Toutefois, le format virtuel en soirée (en raison des restrictions sanitaires) n’est pas un format idéal pour favoriser des échanges inter-personnels plus spontanés. Ceci a probablement limité la possibilité d’établir des contacts pour la poursuite de l’action.

  • Dans quelle mesure votre dialogue a-t-il créé des occasions de favoriser une poursuite de la discussion sur les solutions liées aux changements climatiques, à l’insécurité du revenu et à la résilience des collectivités? Veuillez expliquer votre réponse.

○ 1 – Pas du tout

○ 2

3

○ 4

○ 5 – Tout à fait

Selon les résultats du sondage post événement auprès des participants, 23 % d’entre eux souhaitent poursuivre les conversations et 30% aimeraient être tenus informés. Si l’intérêt semblait manifeste auprès de certains individus, nous avons aussi noté que les participants affiliés à certaines organisations souhaitent  poursuivre la réflexion sur les questions de résilience. 

  • À votre avis, que doit faire la communauté pour renforcer ou maintenir sa résilience face aux changements climatiques et à l’insécurité croissante des revenus?

Deux actions nous semblent être les plus porteuses. D’abord, nous suggérons de multiplier les activités d’échanges et de sensibilisation. Les groupes de discussions sont un moyen idéal pour les individus et les organisations d’obtenir plus d’information et de les inciter à l’action. Ensuite, nous pensons qu’il serait opportun d’identifier des opportunités pour réunir les acteurs impliqués dans le domaine, afin qu’ils intensifient les possibilités de collaboration et de mise à l’échelle de projets porteurs. 

4. Prochaines étapes

Suite à l’événement, huit personnes ont indiqué souhaiter “en savoir plus sur les événements, activités et opportunités futurs liés au changement climatique, à la sécurité des revenus et à la résilience des communautés du Projet de Résilience Verte”. Parmi elles, six ont souhaité “poursuivre ce dialogue avec les personnes présentes aujourd’hui”.

Les prochaines étapes n’ont pas été formellement identifiées. Par contre, plusieurs participants se sont dit préoccupés par les questions de résilience. Plus particulièrement, un nombre croissant de gens prennent conscience des conséquences des changements climatiques (canicule, sécheresse, feux de forêt, inondation, hausse du prix des aliments, rupture d’approvisionnement…) qui commencent déjà à avoir des impacts dans leur vie. Ils réalisent que, fort probablement, ces impacts iront en s’aggravant au cours des prochaines années. Cette perspective les inquiète de plus en plus et incite plusieurs à agir.

La Coalition climat Montréal se préoccupe des enjeux de résilience au niveau de la communauté montréalaise et entend y consacrer une partie de ses efforts. Le dialogue tenu le 2 février a permis d’entrer en contact avec des gens qui partagent cette préoccupation. La Coalition prévoit donc y donner suite en organisant d’autres événements portant sur ce sujet, comme des ateliers et des conférences, avec pour but de sensibiliser les citoyens et les élus à ces enjeux, de chercher des pistes de solutions et d’inciter les acteurs concernés à passer à l’action.

ANNEXE 1 

ORGANISMES CONTACTÉS POUR DIFFUSER L’INVITATION AU DIALOGUE

À nous le Plateau

ACEF de l’Est de Mtl

ACEF du Sud-Ouest de Mtl

CIUSS de Montréal Nord

Collectif Démocratisons Montréal

CPAS Pointe St-Charles

Demain le sud-ouest

Demain Verdun

Écosphère

Farehd

Frappru

Gauche urbaine de Montréal

Imagine Lachine-Est

Laval en transition

Maison des Amériques

Milton Parc

Mobilisation MHM 6600

Native Montréal

NDG en transition

Prenons la ville

Réseau des femmes en environnement

RUI Chomedey

RUI Montréal-Nord

RUI Pont- Viau

RUI St-Martin

Société du développement social

Solidarité Ahuntsic

Table de Concertation Faubourg-Saint-Laurent

Table des groupes de femmes de Montréal

Table Peter Mcgill

Tandem Villeray – Saint-Michel – Parc-Extension

Un Itinéraire pour tous

VertCité

Y des femmes